Auteur - Essayiste
Revue Liber Mirabilis
Bimestrielle, la revue Liber Mirabilis dédie ses pages à la Tradition, à la Symbolique, aux Mythes et Légendes, à la philosophie hermétique, à tout ce que nous pourrions ainsi qualifier la Pensée et la Sagesse héritées de ceux qui nous ont précédés, il y a parfois bien longtemps, et parfois aussi sous d'autres latitudes.
J'y écris régulièrement des articles ici présentés, au travers de courts extraits, dans l'ordre chronologique de leur parution.
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Notre Dame de Paris ou la cour des débâcles. N° 146 (37 pages).
Ils sont là sur le parvis, le cou déformé par des scrofules qu'ils doivent à la tuberculose. La purulence et la pestilence, Louis IX les ignore. Il a beau être roi, sans la charité il ne serait rien, et il ne pourrait prétendre avoir la foi s'il n'en manifestait, ainsi que l'affirma le Christ, les signes qui permettent de reconnaître ceux qui parlent en Son nom, selon le don par le Ciel à chacun octroyé ainsi que l'écrivit Saint Paul. Aux rois de France, c'est la guérison des écrouelles qui est accordée. Alors, comme il le fait quotidiennement au sortir de la messe, sur la tête de tous ceux qui sont là Louis IX pose la main. « Le roi te touche, Dieu te guérit », dit-il à chacun. Son lointain successeur, Louis le quatorzième du nom, touchera encore pendant son long règne deux-cent-mille malades, plus qu'il ne rencontrera de nobles.
Le miracle a-t-il lieu ? Peut-être nombreux sont-ils ceux qui s'en retourneront sans avoir été guéris. Mais il est un miracle qui pour tous chaque fois s'accomplit : par les doigts qui se posent sur leur front, par les paroles inlassablement pour chacun prononcées, dans le regard du roi, tous ils ont existé. Louis IX voit devant lui ses sujets, il en voit des pauvres et des riches, des lettrés et des illettrés. Mais des sous-sujets, « des sujets qui ne sont rien », il n'en voit aucun.
L’Épiphanie. N° 147 (37 pages).
C'est un bien long voyage dans l'espace qu'entreprirent les mages d'Orient qui, sous le calame de Matthieu, n'étaient pas encore rois, n'étaient pas encore trois.
À l'Orient de la Judée s'étend l'empire Parthe, successeur de l'empire Perse, pouvant seul rivaliser avec Rome. Mage vient du vieux-perse magu, qui désignait sous la dynastie des Achéménides une classe sacerdotale à laquelle il incombait d'organiser les cérémonies, d'entretenir pendant celles-ci le feu sacré, de procéder aux sacrifices aux divinités, puis de distribuer les offrandes aux officiants et participants. La plus ancienne occurrence du titre, car c'en est un, est une inscription de Darius Ier de l'an 522 av. J.-C. célébrant sa victoire sur un mage de Médie, Gaumāta, ayant tenté un soulèvement dans cette province. De son côté Hérodote (485- 420 av. J.-C.) distingue chez les Mèdes six tribus, dont les Mages, qu'il distingue des cinq autres en leur accordant une prééminence sacerdotale.
Ce n'est donc pas à n'importe qui que Matthieu fait entreprendre ce voyage, et le détour par le palais d'Hérode est sans doute rien moins qu'innocent. Ils virent en effet au ciel l'étoile qui leur annonça la naissance du roi des Juifs, mais ils ne la suivirent pas, comme on le croit trop souvent, Ce n'est qu'au sortir du palais d'Hérode qu'elle se mit en mouvement pour les guider jusqu'à la maison de Marie. Matthieu voulut donc qu'ils rencontrassent Hérode, roi des Juifs en titre par la volonté de Rome.
Le Baptême : confirmation, conversion, civilisation. N° 148 (38 pages).
Il y a deux mille ans, en cette Terre de Judée depuis longtemps déjà Terre du peuple Juif, Terre de la tribu de Juda, un homme portait dans les eaux du Jourdain le baptême sur les fonts baptismaux. Yōḥānān, « Yahvé fait grâce », était son nom qui, en traversant le temps et l'espace, et donc aussi les langues, deviendra pour nous Jean le Baptiste.
Nul doute, au regard de la description que nous en font les Évangiles de Matthieu et de Luc, que Jean devait apparaître aux yeux de ceux qui le voyaient et l'écoutaient pour un exalté quelque peu décharné, car on imagine mal qu'ait pu leur apparaître autrement un personnage dont on nous dit qu'il ne se nourrissait que de miel et de sauterelles, prêchant à longueur de journée l'imminence de la colère de Yahvé, appelant les Juifs à s'immerger dans les eaux du Jourdain dans un baptême de repentance dont ils ressortiraient lavés de leurs péchés, purifiés, et de ce fait épargnés par le feu de l'ire divine.
Est-ce à dire que le peuple Élu ne l'était plus ? Que l'Alliance était rompue ? Que le Yom Kippour conduit une fois l'an dans le Temple de Jérusalem afin de purifier l'ensemble du peuple Juif n'était plus qu'une mascarade vidée de son sens et de son efficacité ? Aux yeux des officiants, certainement non. Aux yeux de Jean et de tous ceux qui de lui acceptèrent de recevoir le baptême au Jourdain, assurément oui.
Jehanne, Destinée Christique ? N° 149 (44 pages).
Il fut des existences qui n'eurent nul besoin que la postérité vînt y greffer mythes et enjolivements afin qu'elles deviennent légendes, car celles-là, ôtées les vêtures embellies que jamais elles ne portèrent lorsqu'elles écrivirent l'Histoire, dépouillées des ornements et broderies d'hagiographies tardives, débarrassées de toute intention d'en ajouter dans le merveilleux, réduites à la simplicité des faits seuls si tant est que « réduites » puisse ici convenir, sont en elles-mêmes légendaires. Que de telles destinées furent, là est le véritable miracle.
Et le miracle eut lieu. Une jeune fille de dix-sept ans qui de son propre aveu ne connaissait « ni A ni B » quitta son village sis aux confins de l'Empire, habitée par la certitude qu'elle boutera les Anglais hors de France, qu'elle réussira là où la fine fleur de la chevalerie française échoue depuis des décennies. Et elle réussira. Certes pour une part à titre posthume. Mais elle réussira. Renversant tous les codes sociaux dont on attendait à l'époque qu'une jeune fille s'y conformât strictement, elle sera obéie et respectée par les capitaines de l'armée de Charles VII, écoutée de ce roi qui acceptera une invraisemblable chevauchée en terre ennemie afin qu'il y fût Sacré à Reims. Tout ce que cela a d'inconcevable n'est-il pas déjà là, dans ces quelques lignes ? Mais puisque cela advint, c'est qu'inconcevable, cela ne le fut pas, et peut-être employer cet adjectif est-il commettre l'erreur de projeter dans ce passé ce que notre XXIe siècle rend sans nul doute désormais impossible.
L’Épopée de Gilgamesh. A la Source de nos sources. N° 150.
Sumer. Pays d'argile et d'eau. De leur fusion naquît la glaise, et dans cette glaise fut façonnée la première civilisation que la Terre enfanta. Là-bas, entre Tigre et Euphrate, sur les bords du Golfe Persique, pour la première fois des hommes s'assemblèrent en des Cités, les mirent sous la protection de leurs Dieux unis dans un même panthéon. Là-bas, pour la première fois, sur des tablettes d'argile des mains inventèrent l'écriture, y laissant pour la postérité leur histoire, leurs codes, leur quotidien, leurs croyances, leurs mythes et leurs légendes. Là-bas furent gravés les plus anciens récits de la Création, des amours et des colères des Dieux, de Géants qui peuplèrent la Terre, et même, du Déluge... Et dès lors, à leur lecture, se posera la question des origines de nos propres mythes fondateurs, car il faudra bien se rendre à l'évidence : nos fondations reposent sur d'autres fondations. La Bible elle-même ne cache pas ses origines, elle qui situe l’Éden entre Tigre et Euphrate, elle qui nous apprend qu'Abraham naquit à Ur avant que de venir en Canaan pour obéir à Yahvé.
S'immerger dans ce voyage initiatique qu'est l’Épopée de Gilgamesh, c'est s'immerger dans la source de nos sources, c'est un baptême dont on ressort avec les écailles tombées des yeux.
Ce numéro 150 de la revue Liber Mirabilis ouvrira ainsi une série d'articles que je consacrerai à ce poème, car un seul n'y pouvait suffire, dont le premier nous fera assister à la rencontre entre Gilgamesh, roi tyrannique de la cité d'Uruk, et celui qui changera à jamais sa destinée, Enkidu.